KINESITHERAPIE

GOUTTE ET HYPERURICEMIE

DEFINITION:

Affection à traduction essentiellement articulaire et rénale due à une anomalie du métabolisme de l'acide urique avec dépôt de cristaux d'urate de sodium dans les tissus.


INTERET:

La goutte est une affection fréquente. Son pronostic à long terme est conditionné par la survenue d'une goutte chronique avec lésions cutanées, articulaires et rénales responsables de la destruction de ces structures.

 

PHYSIOPATHOLOGIE:

La goutte se voit chez l'homme dans 9/10 cas, entre 30 et 50ans et jamais avant la puberté. Chez la femme, elle survient à la ménopause et l'on assiste actuellement à une augmentation en rapport avec l'utilisation de diurétiques*.

C'est le plus souvent une affection primitive, avec exagération de la synthèse endogène de purines dont l'acide urique est le cataboliteultime. Le mécanisme réside dans diverses anomalies enzymatiques.

L'apport exogène et la diminution de l'élimination rénale ne jouent qu'un rôle accessoire ou occasionnel. Mais la goutte peut aussi êtresecondaire à d'autres pathologies.

En France, 3% des sujets sont hyperuricémiques alors qu'il existe seulement 0,5% de goutteux.

La goutte aiguë doit être étudiée séparément de la goutte chronique.

 

CIRCONSTANCES DE DECOUVERTE: la goutte aiguë

1) Typiques

Des circonstances favorisantes sont parfois retrouvées:

- le sujet est un homme approchant la cinquantaine
- un bon repas avec consommation d'alcool ou même le jeûne
- la prise de diurétiques de l'anse ou de thiazidiques, d'androgènes
- un surmenage, un traumatisme ou une intervention

La crise est parfois précédée de prodromes pendant 1 à 3 jours:

fonctionnels avec insomnie, irritabilité, constipation, dysurie ou coliques néphrétiques
généraux avec malaise général, fébricule, anorexie, asthénie
locaux avec picotements et dilatation veineuse.

a) Signes fonctionnels

La crise aiguë du gros orteil (1°métatarso-phallangienne) est la manifestation la plus caractéristique de la goutte et en constitue lemode de début dans 2/3 cas.

Le début est explosif, plutôt nocturne, avec apparition d'une douleur intense à type de broiement ou d'arrachement. Une hyperesthésiecutanée l'accompagne rendant insupportable le contact des draps et le toucher. L'impotence fonctionnelle est variable mais souvent importante. Le caractère déterminant est le fait que la douleur est maximale pendant la nuit pour s'estomper au lever du jour ('au chant du coq').

b) Signes généraux

Une hyperthermie modérée est parfois retrouvée.

c) Signes physiques

La tuméfaction oedémateuse 'rouge pivoine' et luisante s'associe à une augmentation de la chaleur locale avec turgescence veineuse (= signes inflammatoires majeurs).

La durée de la crise est variable, raccourcie par la colchicine ce qui constitue un critère diagnostic supplémentaire. L'articulation est alors le siège d'un prurit et d'une fine desquamation.

2) Atypiques

* Les crises de goutte peuvent être frustessuraiguës, d'évolutionsubaiguë ou pseudo-phlegmoneuse évoquant un abcès.

* La localisation à d'autres articulations est rare au début mais plus fréquente par la suite. Ce sont surtout des crises monoarticulairesintéressant en priorité les membres inférieurs et parfois les membres supérieurs mais jamais la hanche ou la colonne. Lesexceptionnelles formes polyarticulaires sont une succession de crises monoarticulaires plutôt qu'une véritable polyarthrite. Elles sont plus fréquentes en cas de goutte secondaire.

* La maladie peut se localiser aux formations extra-articulaires sous la forme de (téno-) bursites rotuliennes, achiléennes ou olécrâniennes.

* Chez la femme, la goutte prend volontiers un aspect atypique avec atteinte des mains et développement rapide de tophus (cf infra).

3) Biologie

a) Un syndrome inflammatoire modéré

b) Perturbations du métabolisme de l'acide urique

Elles sont représentées par une hyperuricémie>400mM, parfois transitoirement absente et nécessitant des dosages répétés. L'uricurie( habituellement<4mmol/24h) distingue les hypo-, normo- et hyperexcréteurs.

c) Liquide articulaire

La présence de cristaux d'urate de sodium (cristaux à bouts pointus, biréfringents et dissouts par l'uricase) conforte le diagnostic.

4) Evolution de la goutte aiguë

La répétition des crises se fait selon des intervalles libres très variables avec extension à d'autres articulations: ce type d'évolution est caractéristique de la goutte. D'une façon générale, l'intensité des crises diminue tout en augmentant en fréquence et en durée.

Dans ces conditions, l'évolution sur des années aboutit à la goutte chronique.

 

LA GOUTTE CHRONIQUE:

1) Clinique

C'est actuellement une pathologie très rare, du fait de traitement actifs de la goutte. Les patients non-observants, les femmes, les cas graves du jeune sont les cas les plus susceptibles de se chroniciser.


Il est nécessaire d'étudier successivement chaque localisation de goutte chronique.

a) Les tophus sous-cutané (moins de 10% des goutteux)

Ce sont des nodules indolores sous-cutanés de taille très variable, parfois réunis entre eux en une masse bosselée. A leur niveau, la peau est fine laissant transparaître leur contenu blanc-jaunâtre, et souvent parcourue de varicosités. Leur consistance est molle puis progressivement dure. Les localisations préférentielles sont le pavillon de l'oreille, les coudes, les pieds et les mains.

- L'analyse du contenu fistulisé à la peau montre la présence d'acide urique.

b) Les arthropathies uratiques chroniques ou 'goutte tophacée'

Les arthropathies sont habituellement associées aux tophus, d'où le terme de goutte tophacée.

L'aspect clinique évoque tantôt une arthrose (atteinte mécanique), tantôt un rhumatisme inflammatoire subaigu. Les articulations concernées sont celles ayant déjà donné lieu à des crises de goutte et l'on note encore le respect de la hanche et du rachis.

- Les radiographies peuvent être banales en montrant des signes d'arthrose ou d'arthrite inflammatoire vieillie, ou être caractéristiques en cas de tophus intra-articulaires donnant à l'os un aspect 'en hallebarde'. Dans tous les cas, la déminéralisation est inconstante, le pincement articulaire tardif et l'ostéophytose marginale fréquente.

c) Les manifestations rénales

* La lithiase

Nous n'en avons pas encore parlé mais elle peut se manifester avant la goutte, ou au cours de la goutte aiguë ou chronique. Ce sont des crises de coliques néphrétiques par lithiase urique radiotransparente. L'acidité urinaire favorise la précipitation des cristaux.
NB: l'utilisation d'urico-éliminateurs les favorise.

* Les néphropathies chroniques+++

Elles sont moins fréquentes et se voient au stade de goutte chronique. Ses manifestations sont insidieuses et vont de la simple protéinurie à la glomérulo-néphrite hypercellulaire éventuellement accompagnée d'hypertension artérielle, d'insuffisance rénale chronique d'évolution fatale. Le traitement hypo-uricémiant permet d'enrayer cetraitemente évolution.

NB: il existe cependant des formes de néphropathies uratiques familiales à transmission autosomique dominante chez lesquelles le traitement hypo-uricémiant est sans effet.

* La néphropathie aiguë oligoanurique

C'est une éventualité rare mais grave. Elles ne sont pas une manifestation chronique mais la conséquence d'une hyperuricémie massive (# 3 000mM) ayant pour cible les tubules rénaux. Elles sont secondaires aux hémopathies ou à leur traitement.

2) Biologie

Les dosages diagnostic sont les mêmes que précédemment mais:

* Toute hyperuricémie ne permet pas de rapporter obligatoirement à la goutte les manifestations articulaires ou rénales qui l'accompagnent.
* Chez la majorité des goutteux, on retrouve des cristaux d'urate de sodium dans les articulations antérieurement atteintes.

 

3) Evolution et pronostic

Nous la présentons sous forme de tableau:

 

 

  début nombre de crises pronostic vital pronostic articulaire
forme bénigne 60ans + très bon très bon
forme moyenne 40ans ++ bon réservé en l'absence de traitement
forme grave (déficit enzymatique) 20-30ans +++ sévère sévère


DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL:

1) Devant une crise aiguë

On discutera une arthrite infectieuse, une bursite aiguë en cas d'hallux valgus concomitant ou plus rarement unrhumatisme inflammatoire devant une monoarthrite, unrhumatisme articulaire aigue ou un rhumatisme inflammatoire en cas de polyarthrite.

Mais dans tous les cas, le diagnostic différentiel le plus difficile à éliminer est la chondrocalcinose qui donne des crises de pseudo-goutte à uricémie normale et présence de cristaux de pyrophosphate de calcium dans le liquide articulaire. Les radiographies montrent des signes de calcinose articulaire, notamment au niveau des ménisques. Cette affection peut être primitive comme secondaire.

2) Devant une goutte chronique

Les diagnostic différentiels des tophus sont les chondromes des doigts, les calcinoses sous-cutanés des collagénoses et les nodulesde la polyarthrite rhumatoïde.

En cas de lésions articulaires chroniques, on discutera une arthrosediffuse, une polyarthrite rhumatoïde ou un rhumatisme psoriasis.

Devant une complication rénale, on distinguera la lithiase urique desautres types de lithiase et les néphropathies uriques des autres néphropathies.

 

DIAGNOSTIC ETIOLOGIQUE:

1) La goutte primitive

C'est une anomalie génétiquement transmise sur le modeautosomique dominant. Le déficit enzymatique est variable mais souventpartiel. Le début de la maladie se fait vers la trentaine. Son expression est favorisée par la sédentarité et la suralimentation.

Il faut citer le syndrome de Lesch-Nyhan, maladie récessive liée au chromosome X, où une goutte précoce et gravissime coexiste avec uneencéphalopathie. Nous avons déjà abordé le problème de la néphropathie uratique familiale.

2) Les gouttes secondaires

Certaines hémopathies, comme les syndromes myéloprolifératifs et les leucémies aiguës, sont accompagnées d'hyperuricémie. Ailleurs c'est le traitement cytolytique des hémopathies qui entraîne une libération massive d'acide urique initialement intra-cellulaire. L'insuffisance rénale chronique et le saturnisme peuvent déterminer des crises de goutte.

Nous avons déjà parlé du rôle déclenchant de certains médicaments. Les diurétiques sont la principale cause de gouttes secondaires. Laciclosporine induit une goutte précoce, volontiers polyarticulaire et tophacée chez les sujets greffés. Le pyrazinamide fait partie des étiologies classiques.

L'association de l'hyperuricémie avec l'alcool, l'obésité, leshyperlipidémies et l'hypertension artérielle est très fréquente.

 

TRAITEMENT:

1) Buts

Contrôler l'hyperuricémie.

Le traitement est symptomatique dans les crises aiguës et pathogénique dans le traitement de fond des gouttes chroniques.

2) Le traitement de la crise

- Le repos au lit est indiqué avec arceau à visée antalgique pour éviter les frottements sur l’articulation malade.

- L'alimentation doit être légère (légumes, fruits, hydrates de carbone) avec 2l d'eau minérale et 1/2l d'eau de Vichy (alcalinisation des urines). Dans ce régime, on interdira les graisses, la viande, abats, anchois, sardines et l'alcool.

Anti-inflammatoires non stéroïdiens, de type Diclofénac (50 mg par voie orale trois fois par jour), Ibuprofène (600 à 800 mg trois fois par jour) ou encore Indométhacine (50 mg par voie orale 3 à 4 fois par jour).

- La colchicine (Colchimax qui contient de la poudre d'opium pour combattre l'effet secondaire principal, la diarrhée) est efficace sur la douleur en moins de 24h et amène la rétrocession de la crise en 3 à 4j. 3 comprimés à 1mg sont nécessaires le 1°j, 2 comprimésles 2°et 3°j, et 1 comprimé les 5 à 8j suivant la fin de la crise sous peine de récidive précoce. On peut y adjoindre un Anti-inflammatoires non stéroïdiens, ce qui permet une réduction des doses de colchicine.

- Le traitement corticoides : ils peuvent être administrés par voie orale, intra-musculaire ou, en cas de mono-arthrite, par voie intra-articulaire, surtout en cas de contre-indication aux AINS ou à la colchicine.
Par exemple, la Prednisone peut être prescrite à la dose de 15 à 30 mg par jour, puis diminuée sur 7 à 10 jours.

3) Moyens du traitement de fond

* Le régime est basé sur une vie sans surmenage comportant une activité physique régulière. L'alimentation suit celle prescrite plus haut avec une ration calorique<2 000 Calories (régime hypocalorique, hypoprotidique et hypolipidique).

* Le traitement de fond médicamenteux fait appel à de nombreuses molécules:

- Les uricoéliminateurs ou uricosuriques (Bénémide qui provoque des troubles digestifs, Désatura qui contient de l'allopurinol et le Désuric). L'inconvénient principal de ces molécules est la possibilité de coliques néphrétiques ou de crise de goutte à leur institution, et l'aggravation d'une insuffisance rénale chronique antécédente. Les hyperuricuries>6mmol/24h les contre-indiquent ainsi qu'une insuffisance rénale chronique.

Certaines précautions d'emploi doivent être respectées: ne doit jamais être institué avant 2 à 3 semaines après une crise, institution progressive sous couvert de la colchicine, ration hydrique bicarbonatée suffisante, pas d'interruption en cas de crise, pas d'association à l'aspirine qui peut gêner l'action des uricosuriques.

- Les uricoinhibiteurs sont représentés par l'allopurinol (300 mg une fois par jour au début augmentée jusqu’à 600 à 800 mg/j) et la tisopurine. Ils réduisent la purinosynthèse endogène. Ces traitement sont très bien supportés (une intolérance digestive doit les faire administrer après les repas) et leur dose doit être adaptée en cas d’insuffisance rénale. Les précautions d'emploi sont cependant les mêmes, sauf en ce qui concerne l'aspirine. Le médicament s'administre en une prise unique.

- La colchicine, à raison d'1 comprimé/j en continu, est efficace dans la prévention de la maladie

- Enfin, les cures thermales, par la cure de diurèse qu'elles préconisent, peuvent être utiles dans la goutte chronique. Dans les cas les plus graves, l'ablation chirurgicale des tophus volumineux peut être envisagée.

4) Indications


* Dans les crises répétées, de goutte chronique ou d'hyperuricémie au long cours>540mM, un traitement de fond doit être institué

* En cas de crises rares et d'hyperuricémie modérée ouasymptomatique, le contrôle de la maladie passe par l'essai des mesures hygiéno-diététiques. L'échec clinique fait prescrire un traitement de fond.

* La goutte secondaire aux diurétiques relève d'un remplacement de la molécule responsable. Si cela est impossible, un traitement de fond doit être institué dès que l'uricémie atteint 600mMol/l. Au cours des hémopathies, l'urate oxydase (Uri-cozyme) est prescrit à titre préventif.


En pratique l'allopurinol est le plus utilisé.

4) Résultats

Dans la crise aiguë, le résultat est rapide avec rétrocession des signes inflammatoires. Il évite l'évolution vers la répétition des crises et la goutte chronique.

Le traitement de fond de la goutte chronique permet une involution des tophus sous-cutanés, une stabilisation des manifestations articulaires mais n'améliore pas les lésions rénales constituées. La posologie du traitement doit être adaptée de façon à obtenir une hyperuricémie comprise entre 300 et 360mMol/l. Le traitement est maintenu à vie tant que l'étiologie de l'hyperuricémie n'est pas résolue.

5) Surveillance

C'est essentiellement une surveillance biologique (en particulier rénale) à côté de la surveillance clinique.

CONCLUSION:

La goutte est la manifestation d'un trouble du métabolisme de l'acide urique, inné ou acquis. C'est une pathologie à 2 versants: un aspect aigu et démonstratif, et un aspect chronique, insidieux portant sur la peau, les articulations et le rein. Les traitement actuels sont très efficaces mais comportent certaines précautions à respecter pour éviter les traitement inutiles, inefficaces ou source de complications.

 

CONDUITE A TENIR: devant une hyperuricémie

Dans un premier temps, il est utile de déterminer si l'hyperuricémie estchronique ou occasionnelle. En effet, cette dernière est rarement à l'origine d'une crise de goutte et se corrige spontanément à la faveur de la rééquilibration hydroélectrolytique. Les circonstances en faveur du second cas sont: le jeûne, un effort prolongé, un alcoolisme aigu ou une acidocétose. A part l'hyperuricémie des hémopathies qui appelle une prise en charge spécialisée.

Devant une hyperuricémie chronique, l'interrogatoire cherche à déterminer les antécédents familiaux et personnels d'hyperuricémie ou de goutte. Plus l'imprégnation des tissus par l'acide urique a été longue, plus le risque viscéral est important.

Le risque articulaire doit être déterminé par les radiographies des articulations précédemment atteintes.

Le risque rénal appelle un bilan par urée/créatinine sériques, protéinurie des 24h et compte d'Addis et selon les cas, desradiographies. L'uricurie distingue les hypo-, normo- et hyperexcréteurs. Rappelons que les lésions constituées sont généralement irréversibles.

- On n'oubliera pas l'estimation des facteurs de risque cardiovasculaire, notamment métaboliques: hyperlipidémies, hyperglycémie, obésité, hypertension artérielle, tabagisme et son corrolaire, le cancer bronchique...

Le traitement d'une hyperuricémie se fait schématiquement selon les modalités suivantes. Il doit être poursuivi à vie si l'étiologie n'a pas pu être supprimée:

- en cas d'hyperuricémie secondaire, elle n'est traitée que si>600mM
- en cas d'hyperuricémie primitive, elle n'est traitée que si>540mM.









10/04/2011
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