KINESITHERAPIE

physiologie des muscles squelettiques

Le muscle squelettique

 

 Les muscles représentent 30 à 40% du poids du corps. Ils sont composés de 75 à 80% d'eau, 15 à 20% de protéines, 1% de glycogène, 1% de lipides, 1% de sels minéraux. Il existe deux sortes de muscles : les muscles striés (muscles squelettiques et myocarde) et les muscles lisses.

               Le muscle squelettique - dont la fonction est de mobiliser les différentes parties du squelette - est un ensemble de cellules (fibres musculaires) qui forment l'unité fonctionnelle du muscle. Leur diamètre varie de 0,01 à 0,1 mm et leur longueur peut atteindre 10 cm. Elles se rassemblent en faisceaux qui fusionnent avec les fibres tendineuses.

               Les fibres musculaires sont composées

  • d'une membrane (le sarcolemme)
  • d'un cytoplasme (le sarcoplasme)
  • de plusieurs centaines de noyaux rejetés à la périphérie
  • d'organismes intra cytoplasmiques (très nombreuses mitochondries, réticulum sarcoplasmique en réseau...)
  • de myofibrilles organisées en unités fondamentales, les sarcomères, reliées entre elles pour former un cytosquelette, lui-même fixé au sarcolemme. Les principales myofibrilles sont : la Myosine et le complexe actinique (Actine, Troponines, Tropomyosine, ...)
  • de myoglobine, d'enzymes...

Coupe d'un muscle squelettique vue au microscope. La succession régulière des sarcomères est parfaitement visible. Les rectangles rouges larges correspondent aux filaments de Myosine (en bleu épais sur le schéma ci-contre), les rectangles marron étroits aux stries Z (bandes verticales marron foncé), les bandes blanches  aux filaments d'Actine (en marron clair).

Vue microscopique d'un muscle squelettique ; on distingue bien les stries caractéristiques qui correspondent à la juxtaposition des sarcomères

 

Schéma d'un sarcomère : les stries Z, sur lesquelles sont fixés les complexes actiniques, sont reliées entre elles et à la membrane cellulaire. La disposition imbriquée des filaments d'Actine et de Myosine permet leur glissement réciproque.

sarcomère.gif (2384 octets)

Vue schématique d'un filament fin, composé de molécules d'Actine fixées sur la Tropomyosine. On trouve régulièrement les molécules de Troponine C, protéine sur laquelle vient se fixer le calcium.

Vue schématique d'un filament épais de Myosine. Les têtes de molécule émergent régulièrement du filament. Ce sont ces têtes qui, en présence d'ATP, se fixeront à une molécule d'Actine puis se courberont sur leur "tige", produisant ainsi le déplacement relatif des deux filaments.

Ces deux schémas sont extraits de l'article "Muscle normal", par les Professeurs C DENIS  et JR LACOUR, paru dans l'EMC

 

     La contraction musculaire normale           

               L'excitation du moto neurone induit une libération d'acétylcholine dans la fente synaptique de la plaque motrice ; l'acétylcholine se fixe sur son récepteur, active simultanément les canaux à sodium et à potassium. L'irruption brutale du Na+ dans la cellule associée à la sortie brutale de K+ crée un potentiel électrique appelé onde de dépolarisation.

               Par activation successive des canaux sodiques et potassiques, la dépolarisation se propage le long de la membrane plasmique qui est invaginée à l'intérieur des cellules musculaires formant un réseau de canaux intra-cellulaires (les tubules transverses en T). Il y a 2 invaginations par sarcomère. La dépolarisation se propage ainsi à l'intérieur de la cellule, atteignant simultanément et "immédiatement" l'ensemble des myofibrilles.

               Les tubules en T sont en connexion avec les réservoirs sarcoplasmiques contenant le Ca++ fixé à une protéine, la calséquestrine. Quand la dépolarisation atteint ces réservoirs, ils libèrent très rapidement (1 à 2 milliseconde) une grande quantité de Ca++ dont la concentration intracellulaire est multipliée par 100 à 1000.

               Le Ca++ se fixe sur la Troponine C (qui possède 4 sites de fixation), entraînant le changement de conformation de la tropomyosine disposant ainsi les sites actifs de l'actine en face de ceux de la myosine.

               En présence d'ATP, il y a formation d'un complexe à haute énergie Myosine-ADP-P ; celui-ci se fixe sur l'actine, libère ADP + P, récupérant ainsi l'énergie nécessaire à la modification de l'angle de la tête de la myosine ; en pivotant de 45°, cette tête déplace le filament d'actine de 10 nm en direction du centre du sarcomère, raccourcissement d'autant la longueur de la fibre. La force engendrée par cette modification de structure de la myosine est de l'ordre de 5 à 10-12 Newton.

               En présence d'une seconde molécule d'ATP, il y a formation d'un complexe Actine-Myosine-ATP qui a une faible affinité pour l'actine ; il y a dissociation de la liaison Actine-Myosine avec libération d'ADP + P. Le tout (formation du complexe Myosine-ADP-P, formation du pont Actine-Myosine, déplacement, rupture du pont Actine-Myosine) ne dure que quelques millisecondes.

               A ce moment là, il y a deux possibilités :

  • soit d'autres fibres musculaires ont aussi été excitées, entraînant un raccourcissement du muscle ; dans ce cas, les 10 nm de raccourcissement ne sont pas perdus et, si la fibre reçoit un nouveau potentiel de plaque motrice, le même cycle permettra de gagner 10 nm de plus ; le filament d'Actine progresse ainsi de 10 nm en 10 nm le long du filament de Myosine, comme une chaîne sur une roue dentée. Le processus s'interrompt quand la tête de la Myosine atteint la dernière molécule d'Actine sur le filament fin.
  • soit les autres fibres n'ont pas été excitées, le muscle se relâche et, s'il est soumis à un étirement,  les filaments d'Actine et de Myosine glissent l'un sur l'autre pendant que le muscle s'allonge.

 

               La mise en jeu de plusieurs millions de liaisons Actine-Myosine induit une force de plusieurs millions de fois 5 à 10-12 Newton mais aussi une consommation de plusieurs millions de molécules d'ATP. La succession de plusieurs cycles d'excitation par seconde (40 à 100) produit le raccourcissement du muscle.

               La mise en route de la contraction musculaire est donc une dépolarisation électrique, mais le moteur énergétique est la consommation de molécules d'ATP. Quels sont les mécanismes produisant cette molécule ?

               Ils sont de deux sortes :

  • les mécanismes extrêmement rapides, pouvant répondre à une demande de plusieurs millions de molécules en un temps très court (permettant ainsi les contractions musculaires rapides) :

*  la phosphorylation directe d'une molécule d'ADP selon la réaction   ADP + P ==> ATP

*   la glycolyse intra cytoplasmique anaérobie selon la réaction : 1 glucose ==> 3 ATP + 2 Pyruvate ; le pyruvate formé sera ensuite brûlé dans le cycle de Krebs intramitochondrial.

  • les mécanismes plus lents correspondants à la combustion aérobie intramitochondriale, dont le rendement est nettement meilleur :

*   des pyruvates : 35 ATP pour les 2 pyruvates issus d'une molécule de glucose

*   des acides gras : 128 ATP pour la combustion d'une molécule de palmitate (acide gras à 16 atomes de carbone).

*   des corps cétoniques : 26 ATP pour la combustion d'un acide bêta hydroxy-butyrique

               Les sous-produits de cette combustion aérobie sont : le CO2, qui devra être éliminé par les poumons, l'eau et la chaleur.

               La relaxation musculaire enclenchée, le calcium sera transféré dans les réservoirs sarcoplasmiques au moyen d'une pompe (fonctionnant à l'ATP) et le muscle reviendra à son état de relâchement.

 

     Les contractures musculaires           

               En cas de manque d'oxygène dans le muscle, les coenzymes du cycle de Krebs (NAD et FAD) se trouvent uniquement sous leur forme réduite NAD-H2 et FAD-H2 inutilisable dans le cycle ; la combustion intramitochondriale à haut rendement est donc très fortement ralentie, voire arrêtée. La dégradation des acides gras et des corps cétoniques étant exclusivement intramitochondriale, le seul métabolisme possible est   intra cytoplasmique et ne peut utiliser que le glucose par voie anaérobie, donc à faible rendement énergétique et aboutissant à l'accumulation d'acide lactique. L'organisme va réagir à la demande d'énergie par une fabrication accrue de glucose par le foie (néoglucogenèse) ; le glucose ainsi formé sera transféré aux muscles.

               Le rendement énergétique très faible, alors que l'activité musculaire est maintenue, entraîne un dégagement de chaleur pouvant aller jusqu'à l'hyperthermie. Celle-ci rend les protéines contractiles plus sensibles au Ca++, augmentant ainsi la contractilité cellulaire et donc le taux de Ca++ intracellulaire. L'excès de calcium intracellulaire stimule les pompes à calcium  mitochondriales ATP-dépendantes, augmentant le déficit en ATP et aggravant la déficience des autres mécanismes ATP-dépendants notamment l'intégrité de la membrane cytoplasmique ; il y aura donc fuite extra-cellulaire de composants intra cytoplasmique dont les ions K+ et la myoglobine avec hyper hydratation intra-cellulaire puis nécrose de la cellule qui va séquestrer le calcium. Si la quantité de cellules musculaires atteintes est importante, cela aboutira à une  hypocalcémie. L'association hyperkaliémie et hypocalcémie est très arythmogène. Par ailleurs, la myoglobine relarguée va induire une néphropathie par précipitation intratubulaire, à l'origine d'une insuffisance rénale avec anurie bloquant ainsi la voie de contrôle de l'hyperkaliémie et la rendant irréversible.

               Il existe une maladie rare, le syndrome de Moersh-Woltman ("maladie de l'homme raide"), d'origine mal déterminée, dans laquelle il existe une activité musculaire sans temps de relaxation et dont les symptômes sont : spasmes musculaires douloureux, parfois intolérables, à type de crampes violentes, pouvant aller jusqu'à la chute et à la contracture généralisée (opisthotonos tétanique), s'accompagnant d'HTA, palpitations, tachycardie, sueurs profuses. Les contractures prédominent, comme il est habituel, aux fléchisseurs des membres supérieurs et aux extenseurs des membres inférieurs. Il s'agit, bien entendu, d'une pathologie complètement différente, mais sa symptomatologie permet de mieux appréhender les conséquences d'une hyperactivité musculaire incontrôlable..

 

     La rigidité cadavérique d'apparition brutale          

               Au cours d'un effort physique violent et prolongé en conditions d'hypoxie, les stimulations nerveuses vont entraîner une consommation de l'ATP cellulaire (plusieurs millions de molécules par cellule et par seconde), mais l'apport d'oxygène insuffisant ne va pas permettre la reconstitution de cet ATP. Or, nous avons vu qu'une molécule d'ATP est nécessaire pour obtenir le relâchement de la liaison Actine-Myosine. Si l'activité musculaire ne peut être interrompue, tout l'ATP musculaire va être consommé dans la réaction de contraction et il n'en restera plus pour amorcer le relâchement ; le patient va mourir d'asphyxie totale et restera figé dans la position où la mort l'aura trouvé.

               Ce cas a été décrit au cours de la seconde guerre mondiale, dans la bataille de la reconquête du pacifique par les américains : certains combattants étaient dans un état d'épuisement tel qu'ils gardaient l'attitude qu'ils avaient au moment de leur décès.

               Dans son livre "La Passion selon le Chirurgien", Pierre Barbet cite deux exemples de suspension par les bras dont je ne donne que les signes cliniques :

  • Le Dr Hynek, médecin à Prague, a vu la punition infligée à un soldat de l'armée austro-allemande pendant la guerre de 14-18. "Un condamné est suspendu par les deux mains à un poteau, ses pieds peuvent à peine toucher le sol par les pointes./.../ On voit au bout d'un certain temps apparaître des contractions violentes de tous les muscles, qui aboutissent à un état permanent de contracture, de rigidité en contraction de ces muscles./.../ On voit donc le patient, la poitrine distendue, présenter tous les symptômes de l'asphyxie. Sa figure rougit, se violace ; une sueur profuse coule de son visage et de tout son corps./.../ La simple punition ne pouvait pas durer plus de dix minutes."
  • Deux anciens prisonniers de Dachau ont livré le témoignage suivant : "On suspendait le condamné par les deux mains, soit l'une à côté de l'autre, soit écartées. Les pieds restaient à une certaine distance du sol. Au bout de peu de temps, la gêne respiratoire devenait intolérable. Le patient y remédiait en exerçant des tractions sur les bras qui lui permettaient de reprendre souffle./.../Après une heure de suspension, ces tractions devenaient de plus en plus fréquentes, mais en même temps de plus en plus faibles. L'asphyxie s'installait, progressive et définitive. Le témoin décrit la cage thoracique gonflée au maximum, le creux épigastrique très creusé. Les jambes raidies pendaient sans s'agiter. La peau devenait violette. Une sueur profuse apparaissait sur tout le corps, coulant à terre et tachant le ciment. Elle était surtout extraordinairement abondante dans les quelques minutes qui précédaient la mort ; les cheveux et la barbe étaient littéralement trempés. Et cela, même par des températures voisines de 0°./.../ Après la mort, le corps était d'une rigidité extrême. la tête retombait en avant dans l'axe du corps."


22/07/2008
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