KINESITHERAPIE

ALGODYSTROPHIES

DEFINITION

Affection touchant une région articulaire, liée à des troubles vasomoteurs touchant la microcirculation locale et sa commande végétative.

INTERET

L'algodystrophie est une affection attendue dans des cadres pathologiques précis. Ailleurs, elle peut ne pas avoir de cause retrouvée: elle est alors dite primitive.

Dans tous les cas, elle mérite d'être reconnue et fait l'objet de nombreux diagnostic différentiels.

 

PHYSIOPATHOLOGIE

L'algodystrophie est une réponse à un stimulus périphérique entraînant après latence une perturbation sympathique réflexe anormalement intense avec désadaptation microcirculatoire locale réversible. La pathologie survient préférentiellement sur un terrain neuro-végétatifinstable.

Les phases successives par lesquelles passe l'algodystrophie sont les suivantes. En pratique, elles ne sont pas toujours successives, peuvent manquer ou parfois même se répéter selon un cercle vicieux auto-entretenu:

Une phase pseudo-inflammatoire sans signe histologique d'inflammation (= phase chaude).

La 2° phase se distingue par un épaississement artériel avec fibrose et une ischémie locale (= phase froide).

La 3° phase, non-obligatoire, est celle des séquelles rétractiles et fibrosantes.

 

CIRCONSTANCES DE DECOUVERTE

1) 'Typiques'

Le début peut êtrebrutal ou progressif, répondant à uneétiologie précise ou être spontané. Insistons sur lepolymorphisme de l'affection rendant difficile la classification en forme typique, atypique et rare.

a) Signes fonctionnels: les symptômes articulaires

* La douleur est très variable, de la simple gêne à la douleur intolérable. La limitation fonctionnelle en découle. Fait primordial, les mouvements passifs sont aussi gênants que les mouvements actifs.

* La raideur des articulations est due aux rétractions capsulo-ligamentaires ou tendino-aponévrotiques. Elles sont préoccupantes mais généralement tardives. Parfois, elles sont précoces voire inaugurales.

* Un épanchement articulaire est fréquent.

b) Signes physiques: les signes vasomoteurs et trophiques

* L'oedème est inconstant, de consistance et de couleur variables.

* La température locale* est variable selon la phase concernée.L'hypothermie inaugurale est fréquente chez l'enfant..

* L'hyperesthésie cutanée est très fréquente et très évocatrice. Elle a les mêmes caractères que celle de la crise de goutte.

* Les troubles vasomoteurs* sont de 2 types qui peuvent se succéder. Ce peut être une pâleur ou une érythrocyanose de déclivité, ou des crises vasomotrices douloureuses, brèves et répétées.L'hypersudation locale est fréquente à la phase chaude.

* Les anomalies phanériennes*, à type d'hypopilosité ou d'hypertrichose inexpliquées, sont rares mais très évocatrices.

NB: les signes marqués d'une "*" varient selon la phase de l'algodystrophie concernée. Les Signes généraux sont inexistants.

2) Classification symptomatiques selon les 3 phases classiques

A la phase chaude, le tableau est celui d'une région articulaire inflammatoire, voire pseudo-septique ou pseudo-phlegmoneuse, avec oedème, rougeur, hyperthermie, hypersudation, douleur ethyperesthésie.

La phase froide peut succéder après quelques semaines à la phase précédente ou être inaugurale. On est en présence d'une articulation froide, à mobilité réduite, dépilée ou étant le siège d'un oedème pâle et ferme.

La phase finale est marquée par une rétraction globale ou affectant seulement les parties molles.

 

DIAGNOSTIC POSITIF

1) Clinique

Le diagnostic est facile si l'on a une étiologie évidente et une symptomatologie passant par les 2 phases successives. Sans ces éléments, le diagnostic est plus aléatoire et repose sur les examens complémentaires.

2) Biologie

Les éléments du syndrome inflammatoire, l'analyse du liquide de ponction et de la biopsie synoviale sont tout à fait négatifs. Un syndrome inflammatoire fait rechercher une autre étiologie. Sur la biopsie, tout au plus peut-on noter une congestion vasculaire initiale laissant place à une fibrose ultérieure.

3) Les radiographies

Les clichés articulaires doivent être comparatifs avec l'autre côté, etrépétés en cas de négativité après un intervalle de quelques semaines du fait d'un retard radiologique. Les incidences particulières sont parfois les seules à apporter le diagnostic.

Les signes radiologiques sont absents tout au long de l'évolution dans 20% des cas chez l'adulte et 70% des cas chez l'enfant.

a) La déminéralisation sous-chondrale, élément dominant

Homogène, mouchetée, microlacunaire, localisée ou non, cette déminéralisation doit être recherchée non seulement au niveau de l'articulation atteinte mais aussi sur les articulations avoisinantes. Après la maladie, un certain degré d'ostéoporose persiste.

Chez le jeune, elle peut être soulignée par une bande claire barrant lamétaphyse.

b) L'épaississement des parties molles

En aucun cas, il n'y a d'atteinte de l'interligne articulaire ni de condensation.


4) La scintigraphie osseuse

C'est l'examen le plus fiable car d'accès facile et exceptionnellement normal. Schématiquement:

- Ce peut être chez l'adulte, une hyperfixation par rapport au côté sain qui précède de plusieurs semaines les signes radiologiques. Elle peut s'étendre aux articulations voisines.

- Chez l'enfant, c'est plutôt une hypofixation par rapport au côté sain, perdurant pendant toute l'évolution. Elle est exceptionnelle chez l'adulte après 40ans.

5) L'Imagerie par résonnance magnétique

Les signes y sont très précoces mais cet examen est rarement utile:hyperfixation en T2 et hypofixation en T1, réhaussée par le gadolinium dans les formes vasculaires.

 

DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL
Selon les multiples formes cliniques de la maladie

Les formes pseudo-inflammatoiresdoivent faire discuter une arthrite, qu'elle soit septique, inflammatoire ou micro-cristalline. La normalité des paramètres du syndrome inflammatoire rejette le diagnostic.

Selon leur forme chaude ou froide, les formes vasculaires font discuter une phlébite (à éliminer en priorité!), une ischémie aiguë ou uneclaudication. Il faut souligner l'intérêt du doppler artériel et veineux, et de l'artériographie.

Dans les formes partielles, on évoque selon la localisation un ostéome ostéoïde (douleur nocturne, hyperfixation et effet spectaculaire de l'aspirine) ou une ONA.

DIAGNOSTIC DE GRAVITE et PRONOSTIC

Il est dominé par les séquelles résiduelles variables qui ne peuvent être prédites.

 

DIAGNOSTIC ETIOLOGIQUE

Un traumatisme est le plus souvent en cause. Ce peut être un traumatisme direct ou indirect, à distance ou loco-régional, orthopédique, chirurgical. Uneimmobilisation plâtréeou une rééducation intempestive sont les principaux facteurs révélateurs ou responsables.

Les étiologies non-traumatiques sont très nombreuses et font la belle part aux affections de l'appareil locomoteur (arthrites, tumeurs, pathologies du système nerveux central ou du système nerveux périphérique).

Les affections cardiovasculaires (infarctus du myocarde), pleuropulmonaires, endocriniennes (hyperthyroïdie) et métaboliques (diabète) sont plus rarement en cause. Une étiologie médicamenteuse est à suspecter en cas d'utilisation d'antituberculeux ou debarbituriques. La grossesse est une étiologie classique de l'algodystrophie de hanche.

Les formes primitives (1/3) dépendent du terrain neurovégétatif instable.

Les facteurs favorisants: des troubles psychologiques voire psychiatriques existent chez 1/3 des patients et chez l'enfant, on retrouve un environnement familial hyperprotecteur. Unehypertriglycéridémie est retrouvée dans 1/3 des cas.

 

LES FORMES CLINIQUES

Elles sont fonction du siège, de la tendance évolutive et de l'aspect de l'algodystropie à l'imagerie:

Le syndrome épaule/main et le plus classique. Le coude est constamment respecté. La main est atteinte en premier. La main et le poignet sont très douloureux avec rétraction sévère des doigts. A l'épaule, l'atteinte rétractile est de meilleur pronostic.

Au membres inférieurs, les atteintes plurifocales sont assez fréquentes. Le pied est le plus fréquemment atteint avec risque de rétraction des parties molles. Au genou, l'affection est limitée à un condyle ou un plateau tibial avec risque de flexum séquellaire. La localisation à la hanche est la plus rare: l'impotence fonctionnelle contraste avec une mobilité passive relativement conservée. Son pronostic est excellent.

Les formes migratrices et récidivantes sont marquées par l'extinction du foyer initial et l'apparition d'un nouveau foyer au niveau de l'articulation immédiatement contiguë.

Les formes extensives sont exceptionnelles. Il faut alors penser à une éventuelle origine paranéoplasique.

Les formes partielles sont localisées sur un rayon articulaire (un doigt et son métacarpe), une parcelle d'os (plateau tibial), ou un petit os (os du tarse).

Les formes sans signes radiologiques, particulièrement chez l'enfant, imposent un suivi clinique et scintigraphique.

Les formes hypofixantes à la scintigraphie ne doivent pas faire croire à une hyperfixation controlatérale.

Chez l'enfant, l'algodystrophie est caractérisée par la fréquence des formes froides inaugurales, la rareté des signes radiologiques qui réalisent l'aspect en bandes métaphysaires, et l'hypofixationscintigraphique.

 

EVOLUTION

Raccourcie par le traitement, l'évolution se fait généralement vers la guérison avec des séquelles variables.

Elle est de 1 à 3 ans au membre supérieur avec les séquelles de la main que nous avons déjà décrites: l'algodystrophie du type syndrome épaule/main est la plus préoccupante.

Au membre inférieur, l'atteinte du pied met 1an à guérir avec de possibles séquelles modérées. Au genou et à la hanche, l'évolution s'étale respectivement sur 6 à 9 mois et 3 à 4 mois et les séquelles y sont exceptionnelles.

 

TRAITEMENT

1) Buts

Lutter contre la stase et la douleur.
Rééduquer l'articulation seulement dans un second temps.

Dans tous les cas, il faut s'abstenir de tout geste pouvant aggraver la pathologie (plâtre, ponction, biopsie,arthroscopie...).


2) Moyens

a) Le traitement physique

Il associe décharge en surélévation du membre atteint. Les attelles de posture préviennent les attitudes vicieuses. La déambulation est parfois possible selon les douleurs. Les massages de drainage lymphatique, l'alternance de bains chauds et froids sont utiles à condition d'être supportés. L’ergothérapie est parfois très bénéfique.

b) Les antalgiques

Du fait d'une place limitée des antalgiques mineurs et de l'inefficacité des Anti-inflammatoires non stéroidiens et corticoïdes, un traitement par anti-dépresseurs tricycliques et anxyolytique est instauré et montre une très bonne efficacité. La prazosine à la dose de 1 à 6 mg/jour peut également être prescrite.

c) Les traitement locaux

- Les infiltrations de corticoïdes intra-articulaires ou intracanalaires sont efficaces sur la douleur, les phénomènes vasomoteurs et lafibrose.

- Les blocs sympathiques régionaux relèvent de centres spécialisés et sont utilisés en cas de formes rebelles ou hyperalgiques aux autres thérapeutiques. On les utilise au rythme de 1 à 2 blocs/semaine sans dépasser 6. A condition d'éliminer les contre-indications (athérome, troubles veineux et du rythme), ils sont efficaces dans 70 à 80% des cas.

d) Les médicaments généraux à action vasomotrice

La calcitonine (à la dose de 100 UI SC ou intranasale une à deux fois par jour durant 2 à 3 semaines) donne 60 à 70% de bons résultats.

Les beta-bloquants sont parfois efficaces à condition d'obtenir la bradycardie nécessaire.

La griséofulvine (Griséfuline) est donnée à la posologie de 3 g/j, soit 3X plus que dans les mycoses. Les céphalées en résultant peuvent faire arrêter le traitement. De fait, elle est peu utilisée dans cette indication.

3) Indications

Pendant les 3 premières semaines, le traitement associe traitement physique et calcitonine. Les formes les plus discrètes peuvent bénéficier des beta-bloquants ou de la Griséfuline.

Ensuite, un relais est préconisé par beta-bloquant ou Griséfuline dans les formes minimes, ou par blocs sympathiques dans les formes graves. Certains autorisent une mise en charge progressive en piscine.

Au 60°j, la phase de rééducation fait appel aux mêmes médicamentset à la rééducation douce. Cette dernière pourra être aidée de laphysiothérapie et de la balnéothérapie. La reprise des activités doit se faire de façon très progressive.

4) Résultats

Nous avons déjà abordé l'efficacité des traitement médicamenteux. La récupération fonctionnelle peut demander de longs mois et aboutir aux conséquences rétractiles séquellaires en sachant que le traitement a d'autant plus de chances d'être efficace qu'il est précoce.

5) Surveillance

C'est une surveillance clinique et radiologique essentiellement. Une scintigraphie normale affirme la guérison.

 

CONCLUSION

L'algodystrophie est une pathologie faisant le plus souvent suite à un traumatisme. Sa localisation aux membres, son aspect inflammatoire puis atrophique, ses conséquences rétractiles sont les principaux caractères de cette pathologie.

Les particularitéssémiologiques de l'algodystrophie de l'enfant sont à connaître.

Dans tous les cas, elle a tout intérêt à être identifiée tôt afin que le traitement soit le plus précoce possible, seule garantie de succès.



 










14/03/2011
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