KINESITHERAPIE

SPONDYLARTHRITE ANKYLOSANTE

DEFINITION

Rhumatisme inflammatoire chronique vertébro-pelvien de topographie ascendante. Un terme équivalent est celui de'pelvispondylite rhumatismale'


INTERET

C'est le 2°rhumatisme inflammatoire chronique. La spondylarthrite ankylosante est typiquement un rhumatisme chronique du sujet jeune. Sa fréquence, son évolution péjorative et le handicap qu'elle occasionne sont nettement moindres que ceux de la polyarthrite rhumatoide.

Les formes de début de la spondylarthrite ankylosante sont parfois de diagnostic difficile.

 

PHYSIOPATHOLOGIE

La spondylarthrite ankylosante frappe 1/1000 sujets. C'est une affection de l'homme (80 à 90%) jeune (entre 18 et 30ans). Dans 80% des cas, la présence de l'antigène HLAB27 est en faveur de la maladie (les témoins caucasoïdes ne possèdent cet Antigène (Ag) que dans 4 à 8% des cas).

La plupart du temps, elle paraît primitive. Le rôle déclenchant du froid, de l'humidité ou exceptionnellement d'un traumatisme, le facteur favorisant d'un antécédents familial peuvent être retrouvés.

Elle peut aussi être secondaire à une entéro-colopathie, aiguë (diarrhée à Salmonelle, Shigella, Yersinia...) ou chronique (rectocolite hemorragique, Crohn), une uréthrite gonococique ou à Chlamydia ou Mycoplasme, ou leur corollaire un syndrome oculo-uréthro-synovial ou une arthrite réactionnelle dont elle est un mode évolutif. Dans de rares cas, l'association avec un psoriasis, une maladie périodique ou une maladie de Behçet est retrouvée.

La spondylarthrite ankylosante fait partie d'un groupe d'affections regroupées sous le terme de spondylarthropathies du fait des liens étroits qu'entretiennent ces différentes pathologies. Il s'agit du rhumatisme psoriasique, du syndrome de Fiessinger-Leroy-Reiter, des arthrites réactionnelles et des arthropathies des entérocolopathiesinflammatoires chroniques.

 

CIRCONSTANCES DE DECOUVERTE

1) Typiques: atteinte inflammatoire de la colonne à début sacro-iliaque

a) Signes fonctionnels

Le patient se plaint dedouleurs inflammatoires lombo-fessières uni- ou bilatérales témoignant de la sacro-iliite de la spondylarthrite ankylosante. Une irradiation vers la face postérieure de la cuisse d'allure sciatique peut volontiers se voir mais en diffère par son caractère diffus, parfois bilatéral, et l'arrêt au creux poplité. Les douleurs lombaires à type de lombalgies sont évocatrices quand elles siègent au niveau de la charnière dorso-lombaire.

L'atteinte cervico-dorsale est plus tardive consistant en des cervicalgies et des dorsalgies inflammatoires. Dès ce stade, le patient peut signaler des douleurs en rapport avec des enthésopathiescalcanéenne, trochantérienne ou ischiatique (les enthèses sont les zones d'ancrage des tendons, capsules et ligaments sur l'os).

+ Enfin, le patient peut rapporter une sensibilité aux Anti-inflammatoires non stéroidiens.

b) Signes généraux

L'état général est altéré lors des poussées mais conservé en dehors.

c) Signes physiques

L'examen est pauvre mais contributif s'il retrouve:

- des points douloureux sacro-iliaques à la pression, à l'écartement des ailes iliaques, aux mouvements de flexion-abduction forcés de la cuisse (manoeuvre de Mennel) et lors de la pression du sacrum, le patient étant en décubitus ventral (trépied de Coste et Illiouz)

- un enraidissement de la colonne: diminution de l'indice de Schoeber avec augmentationde la distance doigt/sol, une perte de la lordosephysiologique.

L'examen du reste de la colonne doit être fait, même si son atteinte est plus tardive. Il montre un enraidissement progressif avec apparition de cyphoses. Au niveau cervical, le patient a du mal à rapprocher le menton du sternum, ou l'occiput d'un mur lorsqu'il y est adossé.

L'examen d'une enthésopathie est en tous points similaire à celui d'unetendinite: douleur à la pression locale et à la mise en tension par le muscle de l'enthèse en cause.

2) Atypiques 

Dans la moitié des cas, le début est à type d'arthrites périphériquesdes grosses articulations de présentation variable. Au cours de l'évolution, elles sont observées dans 2/3 des cas.

L'atteinte se fait aux membres inférieurs mais parfois aux membres supérieurs, où elle touche préférentiellement l'épaule. Une évolution ankylosante est à redouter au niveau des hanches et des épaules.

3) Rares

Un mode de début classique mais rare est représenté par des talalgiespostérieures par enthésopathie calcanéenne. Elles doivent être distinguées des talalgies inférieures d'effort.

Les manifestations extra-articulaires sont représentées essentiellement par une iritis ou une uvéite, rarement par des manifestations cardiaques (troubles de la conduction et insuffisance aortique) ou des manifestations neurologiques compliquées,exceptionnelles (compression médullaire par luxation atloïdo-axiale, fracture rachidienne traumatique ou syndrome de la queue de cheval).

 

DIAGNOSTIC POSITIF

1) Clinique

Dans la forme typique de l'atteinte initiale lombo-pelvienne, le diagnostic est facile avec l'aide de la radiologie. Dans les autres formes, le diagnostic différentiel doit être évoqué. En tout état de cause:

Il faut penser à la spondylarthrite ankylosante devant des douleurs à recrudescence nocturne intéressant la région lombosacrée chez un homme jeune.

2) Biologie

* Un syndrome inflammatoire est présent
* Le liquide synovial est inflammatoire
* Dans 80% des cas, l'antigène HLAB27 représente un excellent signe d'orientation

Les autres marqueurs (ASLO, FR, ACAN...) sont négatifs

3) La radiologie

a) L'arthrite sacro-iliaque

C'est la clé du diagnostic de spondylarthrite ankylosante. Elle y est classiquement constante, précoce et bilatérale mais dans un certain nombre de cas, elle peut être plus tardive et/ou unilatérale:

- Au stade 1, on assiste à un pseudo-élargissement de l'interligne articulaire siégeant initialement à la partie inférieure de l'articulation. C'est une déminéralisation de la région sous-chondrale avec bientôt érosions et condensation marginale surtout nette sur le versant iliaque.

- La condensation se complète au stade 2, déterminant un interligne plus étroit avec apparition de ponts osseux (aspect en 'timbre-poste')

- Le stade 3 est représenté par la soudure complète de l'articulation.

NB: l'articulation sacro-iliaque du sujet<18ans et du vieillard sont difficiles à interpréter.

b) La syndesmophytose rachidienne

C'est le second signe important de la spondylarthrite ankylosante mais nettement plus tardif.

Le début du phénomène se fait au niveau de la charnière dorso-lombaire avec évolution de proche en proche. Il peut être précédée par une résorption du coin antérieur de la vertèbre ('spondylite antérieure de Romanus') plus facile à mettre en évidence sur le cliché de profil avec alignement du bord antérieur des vertèbres. La syndesmophytose est une ossification qui naît au coin de la vertèbre, se développe verticalement et fusionne avec une formation similaire de la vertèbre adjacente.

- A terme, la syndesmophytose réalise les aspects de 'tige de bambou'ou de 'vis à pressoir'.

c) Signes osseux accessoires

L'arthrite des inter-apophysaires postérieures se manifeste par un interligne flou et irrégulier dont l'évolution se fait vers la synostose. De même, on assiste tardivement à une ossification des ligamentsjaunes, inter-épineux et inter-apophysaires en 3 'rails de tramway'.

- Enfin, des signes de spondylodiscite inflammatoire ou de subluxationatloïdo-axiale (beaucoup plus rare que dans la polyarthrite rhumatoide) doivent être recherchés.

Au niveau périphérique, les signes radiologiques sont similaires à ceux de la polyarthrite rhumatoide mais s'en différencient par une tendance moins destructrice et plus constructive. La hanche peut revêtir 3 aspects qui, à la différence de l'articulation sacro-iliaque, ne sont pas 3 stades successifs: les coxites banale, densifiante et synostosante.

d) Les enthésopathies

Ici aussi, l'aspect radiologique passe par 2 phases successives: ostéoporose locale puis ossification en spicule pouvant réaliser un aspect 'hérissé' de l'os, notamment au niveau calcanéen.

4) Le scanner et la scintigraphie osseuse

Dans les cas difficiles et douteux, le scanner permet d'objectiver des lésions précoces sacro-iliaques et vertébrales.

Très sensible mais peu spécifique, la scintigraphie montre de façon très précoce les lésions évolutives parfois infracliniques par 3 ou 4 foyers d'hyperfixations, évocatrices par leur topographie et la comparaison aux radiographies.

 

Le DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL se pose en plusieurs termes

1) Au stade clinique

De nombreuses pathologies peuvent simuler unespondylarthrite ankylosante au début: lombalgie commune, arthrite périphérique, douleur sciatique ou talonnière... Des erreurs par défaut ou par excès sont fréquentes.

Dans les autres cas, c'est une discussion après le diagnostic radiologique:

2) Autres atteintes sacro-iliaques

* Les sacro-iliites unilatérales sont infectieuses, notamment la sacro-iliite tuberculeuse.

* L'ostéose iliaque condensante se voit chez la femme multipare et se traduit cliniquement par des douleurs, radiologiquement par une condensation sans modification de l'interligne.

3) Autres atteintes vertébrales

* Les ostéophytes de l'arthrose vertébrale se distinguent par leur caractère trapu, leur large implantation et leur développementhorizontal. 2 manifestations plus rares d'arthrose sont à connaître, toujours sans lésion sacro-iliaque:

- l'hyperostose ankylosante sénile de Forestier qui se manifeste par des coulées osseuses antéro-latérales.

- la cyphose sénile de Schmorl où l'on retrouve une soudure antérieure des cartillages vertébraux.

* Les agrafes osseuses séquellaires d'une discospondyliteinfectieuse sont toujours très localisées.

4) Les autres spondylarthropathies+++

La symptomatologie de spondylarthrite ankylosante y est moins typique et liée moins fréquemment à l'antigène HLAB27.

 

EVOLUTION, formes cliniques et DIAGNOSTIC de gravité

L'évolution est progressivement ascendante, ankylosante et déformante à l'occasion de poussées successives dans 2/3 des cas, de façon continue dans le 1/3 restant. Puis après une période de 10 à 20ans, la maladie s'éteint laissant alors des séquelles variables. Il n'y a aucun critère autre que clinique permettant d'affirmer l'extinction de la maladie.

Si au début l'atteinte est douloureuse et à prédominance sacro-iliaque, la diffusion aux autres articulations, la raideur, les déformations caractérisent l'évolution. Certaines formes évolutives doivent être distinguées:

- La forme abortive intéresse seulement les sacro-iliaques.

- La forme latente évolue à bas bruit et n'est découverte qu'au stade radiologique. Elle doit être distinguée des formes à début tardif.

- La forme extensive intéresse de manière significative les articulations périphériques, réalisant au maximum la 'panarthrite engainante de Forestier', aggravant le pronostic fonctionnel. Elle est habituellement fébrile.

- Chez la femme, la maladie est moins sévère que chez l'homme

Certains facteurs sont de pronostic défavorable:

- le sexe masculin
- un début précoce dans l'enfance
- une atteinte des coxo-fémorales

En revanche, l'antigène HLAB27 n'a aucune influence sur l'évolution.

 

TRAITEMENT

1) Buts

Il sont identiques à ceux du traitement de lapolyarthrite rhumatoïde.

2) Moyens

a) Le traitement médicamenteux général

Il fait appel aux Anti-inflammatoires non stéroidiens en respectant les principes de base que sont: uneposologie suffisante, une répartition sur tout le nycthémère, un traitement continu en tenant compte des contre-indications et intolérances. L'efficacité variable de l'un ou de l'autre doit être testée, en réservant la phénylbutazone pour les cas les plus graves du fait d'effets secondaires importants.

Des corticoides peuvent éventuellement être prescrits, ou encore du méthotrexate, la sulfasalazine ou l’Etanercept (anti-TNF) à la dose de 25 mg sous-cutané 2x/semaine.

Dans de rares cas peuvent être utilisés le pamidromate (60 mg) ou la Thalidomide (200 mg/j).

b) Le traitement local

C'est aussi une indication de la corticothérapie locale pour les arthrites et les enthésopathies, à la synoviorthèse dans les atteintes articulaires périphériques. La radiothérapie anti-inflammatoire peut être exceptionnellement utilisée dans les localisations particulièrement douloureuses en cas d'échec des autres thérapeutiques.

c) La kinésithérapie

Elle est essentielle pour lutter contre les déformations articulaires et rachidiennes. Elle est préventive mais aussi correctrice. Elle doit être pratiquée en dehors de toute période inflammatoire et poursuivie avecpersévérance.

On distingue les exercices de posture et la gymnastique d'assouplissement concernant notamment le rachis et le thorax en insistant sur la fonction respiratoire.

d) Les techniques orthopédiques

Ce sont essentiellement des plâtres successifs destinés à redresser une articulation déformée ou un corset de Swaim pour corriger une cyphose débutante

e) La chirurgie

Elle est d'indication rare: arthroplastie de hanche, synoviectomie, ostéotomie vertébrale.

f) La crénothérapie

Elle peut être utile comme dans tout rhumatisme inflammatoire, à condition de faire la cure thermale en dehors de toute poussée.

3) Indications

Dans la forme pelvi-rachidienne habituelle, le traitement d'attaque comprend repos et Anti-inflammatoires non stéroïdiens. Le traitement d'entretien associe Anti-inflammatoires non stéroïdiens et kinésithérapie.

On recherche ensuite la dose minimale quotidienne efficace d'Anti-inflammatoires non stéroïdiens et le traitement est intensifié en cas de poussée. Une interruption du traitement se solde souvent par une reprise évolutive. Dans certains cas où la maladie paraît stabilisée depuis longtemps, le traitement pourra être interrompu prudemment sous contrôle.

La kinésithérapie préventive est proposée par séries de séances à renouveler de proche en proche. Les intervalles entre chaque série doivent être mis à profit par le patient pour pratiquer les exercices quotidiennement.

L'emploi du patient ne doit pas l'exposer à un surmenage physique ni aux intempéries.

Au stade des déformations débutantes, la kinésithérapie est correctrice et le port du corset de Swaim devient une obligation. Les cures thermales peuvent être prescrites. Au stade des déformations irréductibles, le traitement Anti-inflammatoires non stéroïdiens n'est donné qu'en cas de poussée et l'on discutera les éventuelles possibilités de redressement chirurgical.

Dans les arthrites périphériques, une atteinte sévère et non-contrôlée par les Anti-inflammatoires non stéroïdiens est une indication de traitement local: d'abord infiltration de corticoïde, puis synoviorthèse à l'acide osmique étant donné le jeune âge du patient et enfin en cas d'échec, synoviectomie. La kinésithérapie est prescrite quand la poussée est jugulée, et comme dans la polyarthrite rhumatoïde, peut bénéficier d'appareillage de repos. Par la suite, le traitement s'apparente à celui de la forme pelvi-rachidienne.

Les formes les plus graves se distinguent par une ankylose rapide ne réagissant pas au traitement général. Un traitement ressemblant à celui de la polyarthrite rhumatoïde doit être institué en hospitalisation pour essayer tant que possible d'enrayer le cours de la maladie. Il faut insister sur l'efficacité de la Salazopyrine.

Enfin, dans de rares cas l’utilisation de pamidromate et de thalidomide peut se justifier.

La corticothérapie est réservée aux troubles de la conduction, insensibles aux Anti-inflammatoires non stéroïdiens. Les atteintes ophtalmologiques relèvent de la corticothérapie locale et d'un collyre mydriatique.

4) Résultats

Le traitement de la spondylarthrite ankylosante permet de calmer les douleurs, de limiter les raideurs et de prévenir ou de corriger les déformations, parfois par chirurgie.

5) Surveillance

Il s'agit d'une surveillance clinique et radiologique de proche en proche, non-seulement pour affermir le patient dans ses convictions thérapeutiques, mais aussi pour juger de l'évolutivité de la maladie.

CONCLUSION

La spondylarthrite ankylosante est une maladie de l'homme jeune. Traitée, son pronostic est plus bien plus favorable que celui de la polyarthrite rhumatoïde (le pronostic vital n'est qu'exceptionnellement engagé) et permet dans 80% des cas une insertion socio-professionnelle normale.









14/03/2011
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