KINESITHERAPIE

MALADIE OSSEUSE DE PAGET

DEFINITION:

Affection chronique du squelette de l'adulte au cours de laquelle des zones localisées d'hyperactivité osseuse font place à des structures osseuses peu résistantes et hypertrophiques.


INTERET:

La maladie de Paget, affection fréquente, atteint les sujets dans la 2° moitié de leur vie. Les formes asymptomatiques sont majoritaires mais méritent d'être reconnues du fait de certaines complications parfois graves.

 


PHYSIOPATHOLOGIE:

La maladie de Paget touche 3 à 4% des sujets âgés de plus de 45 ans, avec un sex-ratio légèrement en faveur des hommes.

Elle est marquée par un renouvellement osseux anarchique et excessif avec 2 étapes successives: une résorption ostéoclastique intense et désordonnée puis une reconstruction sous la forme d'un os hypertrophique de structure grossière.

Un virus semble être à l'origine de cette affection, en particulier le virus ourlien.

La maladie de Paget ne touche jamais l'ensemble du squelette mais chaque os peut être atteint. Elle affecte par ordre de fréquence: le bassin, le sacrum, le rachis, le fémur et le crâne.

 

CIRCONSTANCES DE DECOUVERTE:

1) Typiques

Les formes asymptomatiques (90%) sont parfois révélées à l'occasion d'un bilan Biologique ou radio systématique ou demandé pour une autre raison.

a) Signes fonctionnels

La douleur, symptôme le plus fréquent, est le témoin d'une localisation pagétique. C'est une douleur modérée mais permanente.

Les déformations osseuses constituent le 2° signe de la maladie: les os atteints sont augmentés de volume, déformés de façon caractéristique selon l'os concerné du fait de l'importance des contraintes musculo-tendineuses et de la création de zones de fragilité:

- aux membres inférieurs, la crête tibiale s'incurve en une convexité antérieure ou antéro-ext et le fémur prend une convexité interne. Il y a alors constitution d'un genu varum.

- aux membres supérieurs, la clavicule s'incurve en avant et peut au maximum saillir au-dessus du thorax. L'humérus se déforme latéralement. Les os de l'avant-bras deviennent convexes en arrière.

+ le crâne augmente de volume et occasionne des céphalées. Au niveau vertébral, il existe une cyphose. L'atteinte du maxillaire donne au patient un faciès léonin; celle de la mandibule, moins fréquente, facilite la détérioration dentaire.

b) Signes généraux

Il n'y a pas de signes généraux.

c) Signes physiques

Les douleurs osseuses pagétiques s'accentuent à la pression locale.

La peau en regard est le siège d'une hypervascularisation avec augmentation de la chaleur locale, développement d'une circulation collatérale et parfois d'un oedème.

2) Atypiques

Des formes déformantes indolores sont fréquentes.

3) Par une complication 

Les complications sont nombreuses mais rares et pour certaines d'entre elles exceptionnelles. Ici encore le maître-symptôme reste ladouleur.

a) Les fissures et fractures pathologiques

Une recrudescence des douleurs et des signes inflammatoires locaux précèdent parfois les fractures et sont le reflet de fissures ou microfractures locales. Celles-ci se disposent perpendiculairement par rapport à l'os et dans sa convexité.

Les fractures des os longs atteignent 10% des patients; il s'agit de la complication la plus fréquente. Le fémur est l'os le plus touché. Les fractures surviennent spontanément ou pour un traumatisme minime, se disposent perpendiculairement par rapport à l'os (en "craie brisée") etconsolident dans les délais habituels.

b) Les arthropathies pagétiques

Elles résultent des déformations et des modifications de structure de l'os et se manifestent par un enraidissement douloureux:

A la hanche, il s'agit d'une coxopathie protrusive ou une coxopathie développée sur coxa vara.

Au genou, elle se développe sur le genu varum.

c) Les blocs vertébraux pagétiques

Souvent latents, ces blocs vertébraux sont le plus souvent ostéolytiquesmais s'y associe une hyperostose vertébrale. Ils intéressent le corps vertébral, l'arc postérieur et le disque.

Outre des douleurs pagétiques, ces blocs vertébraux sont susceptibles d'entraîner des complications neurologiques par tassement.

d) Les complications neurologiques

Elles sont rarement révélatrices et sont le fait de phénomènes de compression ou d'hémodétournement au profit de l'os pathologique de voisinage.

Des céphalées peuvent aussi témoigner d'une hypertension intra-cérébrale (HTIC) par impression basilaire, une ischémie par hémo-détournement, ou une dégénérescence sarcomateuse.

Tous les nerfs crâniens peuvent être comprimés mais l'atteinte la plus fréquente est celle de la VIII° paire. Elle se manifeste par unesurdité le plus souvent mixte par atteinte concomitante des osselets,bilatérale et asymétrique. Les signes d'accompagnement sont des céphalées, des acouphènes ou des troubles vestibulaires.

Beaucoup moins fréquents, les troubles visuels peuvent être le fait de la compression du nerf optique ou des nerfs oculomoteurs dans la fente sphénoïdale.

Présente chez 1/3 des malades, l'impression basilaire est le plus souvent latente mais peut entraîner des troubles neurologiques par compression d'une artère vertébrale ou du tronc cérébral, ou encore par hypertension intra-cranienne avec hydrocéphalie.

Des troubles neurologiques déficitaires de nature ischémiques'expliquent par la baisse du débit de la carotide interne au profit de la carotide externe.

Une sténose canalaire par hypertrophie osseuse ou plus rarement par tassement vertébral peut s'observer à tous les étages mais plus souvent au niveau cervico-dorsal. A l'étage lombaire, un syndrome de la queue de cheval est possible.

e) Les complications cardio-vasculaires

La classique insuffisance cardiaque à débit élevé est en fait exceptionnelle.

L'hypertension artérielle, les calcifications artérielles et valvulaires surtout aortiques sont plus fréquentes que dans la population générale.

f) La dégénérescence sarcomateuse

Frappant environ 1% des patients, entre 60 et 70 ans, elle survient en règle sur une maladie de Paget évoluée et extensive mais peut aussi révéler une maladie de Paget. Elle est grevée d'une survie à 5 ans de 10%. Il s'agit le plus souvent d'un ostéosarcome.

Les douleurs augmentent progressivement, prennent un rythme inflammatoire et s'accompagnent d'une altération de l'état général. Une fracture pathologique est notée dans un cas sur deux.

 

DIAGNOSTIC POSITIF:

1) Clinique

L'association douleur et déformation osseuse doit attirer l'attention et orienter le bilan vers une maladie de Paget.

2) Biologie

Avant tout, il faut préciser que la maladie de Pagetne modifie pas l'équilibre phosphocalcique: la calcémie est en effet le plus souvent normale. Tout au plus peut-on retrouver une hypercalcémie avechypercalciurie en cas d'immobilisation prolongée, par exemple lors d'une fracture. De même, il n'y a pas d'élévation des marqueurs de l'inflammation.

Les phosphatases alcalines sériques, témoin de l'activité ostéoblastique, et l'hydroxyprolinurie des 24h, témoin de larésorption ostéoclastique, sont les 2 paramètres les plus intéressants pour faire le diagnostic: ils sont précisément corrélés entre eux et avec l'indice scintigraphique d'activité de la maladie.

- L'interprétation des phosphatases alcalines nécessite l'élimination de toute pathologie hépatique, celle de l'hydroxyprolinurie un régime préalable pauvre en hydroxyproline.

Certaines maladies de Paget quiescentes ou mono-osseuses peuvent avoir une biologie normale. Pour de mêmes valeurs biologiques, une forme mono-osseuse sera plus active qu'une forme poly-osseuse.


3) Imagerie

C'est le temps essentiel de l'exploration, celle qui fera le diagnostic.

a) Radio conventionnelles

Centrées sur les zones pathologiques et les zones les plus fréquemment atteintes par la maladie, elles montrent un os hypertrophié, siège d'un bouleversement architectural caractéristique de "dédifférenciation cortico-trabéculaire" avec:

- des corticales épaissies avec aspect fibrillaire
- un os spongieux globalement épaissi et densifié

Ces lésions sont souvent d'âge différent chez un même sujet et asymétrique. Bien que pouvant toucher plusieurs os, les lésions ne sont jamais diffuses.

Prises à leur début, les modifications osseuses sont surtoutostéolytiques et se manifestent par des plages d'hypodensité: c'est l'"ostéoporose circonscrite" au crâne, et "fronts de progression raréfiants" au niveau des os longs où ils prennent un aspect de cône progressant à une vitesse de 8mm/an environ à partir d'une extrémité osseuse.

A l'opposé, il existe des formes condensantes sans hypertrophie franche.
Les vertèbres sont densifiées en périphérie: c'est la vertèbre 'en cadre'. La forme condensante vertébrale est représenté par la 'vertèbre ivoire'. Enfin, il existe une 3° forme, la vertèbre 'pseudo-angiomateuse'.

L'atteinte du bassin en 'coeur de carte à jouer' est le plus souvent partielle, un hémi-bassin ou seulement une partie de celui-ci.

Les arthropathies ont un aspect radiologique proche de l'arthrose dont elles se différencient par la rareté des géodes et des ostéophytes, et l'apparition tardive du pincement articulaire.

b) Scintigraphie osseuse

Elle est le reflet de l'activité de la maladie: si l'on excepte certaines lésions purement lytiques et peu fixantes, la scintigraphie est toutefois le siège d'une hyperfixation tellement intense qu'elle est évocatrice de la maladie. Elle apprécie l'extension de la maladie en détectant les zones actives infracliniques qui devront être radiographiées ultérieurement.

c) Scanner et Imagerie par résonnance magnétique

Ces 2 examens sont inutiles pour le diagnostic de la maladie mais servent au diagnostic d'une sténose rachidienne canalaire et au diagnostic d'une transformation sarcomateuse.

Dans cette dernière indication, l'Imagerie par résonnance magnétique se révèle supérieure.

4) La biopsie osseuse

Inutile la plupart du temps, elle s'imposera au moindre doute sur unedégénérescence sarcomateuse.

 

DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL:

Lesostéocondensations diffuses du squelettetelles que l'ostéodystrophie rénaleou la fluorose ne posent pas de problème diagnostic du fait de leur diffusion à l'ensemble du squelette.

Les métastasescondensantes notamment celles du cancer de la prostate ne donnent pas lieu à une hypertrophie osseuse. Il existe par contre des zones de condensation mais sans aspect fibrillaire associé. Les 2 affections peuvent toutefois coexister et au moindre doute, la biopsie osseuse doit être pratiquée.

- Ce sont surtout les formes localisées vertébrales qui posent des problèmes diagnostic. Elles peuvent faire évoquer une ostéite chronique, une métastase condensante ou un lymphome, un angiome vertébral.

Au niveau biologique, une hyperparathyroidie peut simuler une maladie de Paget en montrant une élévation modérée des phosphatases alcalines et de l'hydroxyprolinurie urinaire. Le bilanphosphocalcique et le dosage de la Parathormone redresse le diagnostic.

DIAGNOSTIC DE GRAVITE:

Les localisations susceptibles d'occasionner des complications neurologiques notamment doivent être repérées par la radiologie alliée à la scintigraphie.

 

EVOLUTION:

Elle est lente et imprévisible. Schématiquement, on distingue 3 évolutions possibles: la formeasymptomatiqueindéfiniment bien supportée et localisée, la forme extensive, et enfin toutes les formescompliquées que nous avons abordées précédemment.

PRONOSTIC:

Le pronostic de la maladie de Paget non-compliquée est excellent.

L'apparition d'une complication parfois minime peut, chez le sujet âgé, alourdir brutalement et profondément le pronostic

 

TRAITEMENT:

1) Buts

Le but est d'arrêter l'hyperremodelage osseux en agissant sur la composanteostéoclastique.

2) Moyens

a) Les thérapeutiques médicamenteuses

Le traitementsymptomatique des douleurs fera appel aux antalgiques habituels et aux Anti-inflammatoires non stéroïdiens.

- la calcitonine possède un action antiostéoclastique puissante et rapide. Elle se présente sous 3 formes: la calcitonine extractive de porc (Calcitar), la calcitonine synthétique de saumon (Calcyn, Myacalcic) et la calcitonine synthétique humaine (Cibacalcine).

Le schéma thérapeutique comporte 1sous-cutanée/j pendant un mois, suivi d'une période de 2 mois avec 1 sous-cutanée ou IM 1j/2 de 1 à 4UI/kg. En cas d'efficacité, le traitement est renouvelé pour 3 mois.

Les effets secondaires sont bénins (flushs du visage, troubles digestifs,prurit et paresthésies péri-orales) et peuvent être atténués par la pratique de l'injection après le dîner

- Les biphosphonates possèdent tous une puissante action antiostéoclastique mais certains d'entre eux ont une action d'inhibition sur la minéralisation.

L’etidronate est prescrit à la dose de 5mg/kg/j per os pendant 6 mois. La prise doit se faire à distance des repas en particulier ceux riches en calcium. La moitié de la dose absorbée se fixe sur l'os et y demeure pendant quelques semaines ou quelques mois. A des doses supérieures à 10mg/kg/j, l’etidronate possède une activité anti-ostéoblastique. La tolérance est excellente.

D’autres bisphosphonates peuvent être prescrits tels que l’alendronate (40 mg/j durant 6 mois), le risédronate (30 mg/jour durant 2 mois) ou le pamidronate par voie intra-veineuse (60 mg intra-veineuse durant 4 heures), tous les 12 à 18 mois.

b) La chirurgie

La pose d'une Prothèse totale de hanche en cas de coxopathiepagétique invalidante est réputée hémorragique. Elle doit être précédée par un traitement de 2 ou 3 mois de calcitonine.

Les déformations osseuses ne sont qu'exceptionnellement l'occasion d'une ostéotomie correctrice; elle le sera en cas d'ostéosynthèse pour fracture des os longs.

Les interventions de décompression neurologique peuvent également être réalisées.

3) Indications

Les formes asymptomatiques ne présentant pas de localisations menaçantes et dont les valeurs biologiques ne montrent pas d'élévation trop importante ne justifient que d'une surveillance clinico-biologique tous les 6 mois.

Certaines localisations muettes cliniquement seront traitées de façon préventive car elles peuvent entraîner une complication telle unearthropathie dans l'atteinte du cotyle, une atteinte des paires crâniennes, ou une compression médullaire.

Les formes ostéolytiques pures sont une contre-indication aux bisphosphonates. 

Bien entendu, les formes symptomatiques seront traitées. Une reprise évolutive après un traitement initial sera aussi traitée de la même façon.

Les bisphophonates sont proposés en première intention car administrés per os et moins chers mais responsables d’irritation oesophagienne qui peut géner leur utilisation. Néanmoins, le pamidronate, qui s’administre par voie intra-veineuse représente un traitement de choix de première intention. La calcitonine est proposée dans les cas où l'on recherche une efficacité plus rapide.

+ Lors d'une compression neurologique, le traitement médical mérite d'être tenté car il a souvent une efficacité rapide. L'inefficacité impose la décompression chirurgicale.

4) Résultats

Dans les formes symptomatiques, on observe une diminution des douleurs qui peut persister à l'arrêt du traitement. Cet effet prolongé est plus marqué pour les bisphosphonates et dure un an en moyenne. Notons que les bisphosphonates ne sont efficaces que dans 60 à 75% des cas.

L'efficacité du traitement est vérifiée par les données biologiques qui montrent d'abord une baisse de l'hydroxyprolinurie urinaire puis des phosphatases alcalines de l'ordre de 50% des valeurs initiales. Cependant, l'aspect radiologique demeure inchangé.

Il peut apparaître un phénomène de résistance à une calcitonine donnée: le changement de molécule permet parfois de contourner cette résistance.

L'atteinte de l'audition est le plus souvent insensible au traitement. A l'inverse, certaines complications telles que l'insuffisance cardiaque ou les compressions neurologiques sont sensibles au traitement médicamenteux.

5) Surveillance

La surveillance est clinico-biologique afin de vérifier l'efficacité du traitement. On gardera à l'esprit la possible survenue d'une augmentation d'activité ou d'une complication chez le sujet asymptomatique non-traité.

Pour ce faire, la radio et la scintigraphie sont intéressantes.

CONCLUSION:

La maladie de Paget, fréquente, mérite d'être bien connue car, si elle ne pose habituellement pas de problèmes diagnostic, les complications nombreuses et parfois révélatrices peuvent poser des difficultés. Elles sont pour la plupart accessibles à un traitement efficace.








10/04/2011
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