KINESITHERAPIE

MYASTHENIE

DEFINITION:

Maladie auto-immune de la jonction neuro-musculaire caractérisée par la survenue de déficits moteurs provoqués et majorés par l'effort.


INTERET:

La myasthénie est une maladie rare.

Elle ne doit cependant pas être négligée car la survenue imprévisible d'épisodes d'insuffisance respiratoire aiguë met en jeu le pronostic vital.


PHYSIOPATHOLOGIE:

La myasthénie détermine une réduction des récepteurs à l'acétylcholine au niveau de la jonction neuro-musculaire parsynthèse auto-immune d'anticorps anti-récepteur. Des anticorps anti-muscle strié sont présents chez 1/3 des patients.

90% des myasthénies généralisées possèdent les anticorps anti-récepteur à l'acétylcholine:

- du point de vue collectif, il n'y a pas de corrélation entre le taux d'anticorps et la symptomatologie clinique et les patients séronégatifs sont comme les autres spectaculairement améliorés par les échanges plasmatiques.

- par contre du point de vue individuel, la corrélation est indéniable permettant le suivi de la maladie.

Une hyperplasie thymique ou un thymome existe chez 80% des patients myasthéniques, témoignant du rôle de cet organe dans la génèse de la maladie. La myasthénie peut être associée à d'autres maladies auto-immunes.

La myasthénie touche 5/100 000personnes. 2 pics de fréquence sont rapportés: entre 15 et 20ans où l'on note une prédominance féminine de 5/1, et après 50 ans où la répartition entre les sexes est équivalente. Il y a association dans le 1°cas au groupe HLA A1B8 et/ou DRW3, et dans le 2° au groupe HLA A3B7 et/ou DRW2. La maladie peut toutefois survenir à tout âge, parfois même chez le nouveau-né.

 

CIRCONSTANCES DE DECOUVERTE

1) Clinique

a) Signes fonctionnels

Le début peut coïncider avec un traumatisme, une infection, une intervention chirurgicale, un effort inhabituel ou encore un épisode de la vie génitale de la femme (puberté, grossesse, ménopause).

Il faut penser à la myasthénie devant les symptômes suivants:

- une diplopie ou une ophtalmoplégie ± complète sans anomalie pupillaire, un ptosis uni- ou bilatéral, alors en règle asymétrique.

- une diplégie faciale bilatérale et asymétrique (réduction de la mimique, effacement des rides, diminution de l'occlusion des paupières avec faiblesse orbiculaire, incapacité de siffler).

- une dysphonie avec voix nasonnée.

- un trouble de la déglutition (reflux liquides par le nez, fausses routes).

- une difficulté à la mastication, une chute de la mâchoire.

- une faiblesse des muscles de la nuque avec tête tombante.

- une paralysie des membres à prédominance rhizomélique sans abolition des réflexes ostéo-tendineux, tardive sauf dans 10% des cas. Elle est manifeste aux membres inférieurs à la montée des escaliers et lors du passage de la position couchée ou assise à la position debout. Aux membres supérieurs elle entrave les gestes de la vie quotidienne.

+ ajoutons cette circonstance particulière qu'est l'impossibilité de sevrer un patient de son respirateur en post-opératoire.

Ces signes sont d'autant plus évocateurs qu'existent les caractéristiques suivantes:

- ils apparaissent ou s'aggravent avec la fatigue, disparaissent ou s'atténuent avec le repos.
variabilité dans une même journée en intensité et en siège.
plus marqués le soir.
+ Certains troubles sont permanents par paralysie incomplète sans systématisation neurologique.
+ La fatigue d'un groupe musculaire fait parfois apparaître un déficit à distance (ex: le port d'une valise lourde entraîne une diplopie).

b) Signes physiques

L'examen cherche à reproduire ces déficits moteurs en faisant travailler les groupes musculaires à la répétition d'un exercice et aumaintien de l'attitude.

Il ne fait que constater les déficits et ne retrouve aucune anomalie par ailleurs. L'amyotrophie est le fait des formes évoluant depuis de nombreuses années. Les troubles sensitifs (paresthésies,hypoesthésie faciale et agueusie) sont tout à fait exceptionnels.

2) Evolution de la symptomatologie

Les 1°signes sont céphaliques, en particulier oculomoteurs

L'atteinte peut rester localisée mais dans la grande majorité des cas,elle s'étend dans les 5années suivantes à l'occasion de poussées favorisées par le stress, un surmenage, une intervention chirurgicale ou une grossesse. Ensuite, l'évolution est capricieuse, prolongée et imprévisible. Une stabilisation peut survenir nécessitant seulement des doses stables de médicament. Une rémission est possible pendant plusieurs années. La grossesse peut aggraver ou améliorer la maladie ou encore être sans influence.

Le risque majeur est la survenue imprévisible d'épisodes d'insuffisance respiratoire aiguë en rapport avec la paralysie des muscles respiratoires et de la déglutition. Les signes prémonitoires sont l'aggravation dans les jours précédents de la symptomatologie faciale et surtout des troubles de la déglutition. Il peut exister aussi des accès dyspnéiques nocturnes. La paralysie des muscles respiratoires est le facteur principal de décompensation; s'y ajoute un encombrement trachéobronchique important.

NB: Au niveau clinique, il existe des scores permettant de suivre le patient régulièrement et d'apprécier l'efficacité thérapeutique.

3) Formes cliniques: les myasthénies néonatale et congénitale

La myasthénie néonatale est transitoire et observée chez un enfant né de mère myasthénique. La faiblesse du cri, de la succion et de la déglutition, le mouvement rare et une hypotonie globale attirent l'attention.

Cette forme doit être différenciée de la myasthénie congénitale se manifestant plus tardivement chez un enfant né de mère saine.

 

2) Recherche lors d'un EMG de stimulation d'un bloc neuro-musculaire

Il est positif si la stimulation supra-maximale à 3 ou 5cycles/s d'un nerf moteur entraîne une diminution de la réponse motrice d'au moins 10% avant le 5°potentiel, après une brève facilitation.

L'injection d'anticholinestérasique fait disparaître le bloc mais peut être sans effet sur les symptômes oculaires.

3) Dosage des anticorps antirécepteurs et des anticorps anti-muscle strié

Le dosage des anticorps anti-récepteur de l'acétylcholine est positif dans 90% des formes généralisées et dans la moitié des formes oculaires pures.
Les anticorps anti-muscle strié sont positifs dans presque tous les cas comportant un thymome.


4) La recherche d'un thymome, tumeur du médiastin antérieur

Elle doit être systématique par scanner thoracique: la fréquence duthymome est de 15%. Histologiquement, il s'agit d'un lympho-épithéliome. Il est rare avant 20 ans, plus fréquent après 40 ans. Ce peut être dans 1/3 des cas, une tumeur maligne à développement local mais source de récidive tardive.

1/3 seulement des thymomes entraînent une myasthénie. Il s'agit souvent d'une myasthénie tardive et sévère.


L'hyperplasie thymique est le plus souvent microscopique constatée sur la pièce d'anapathologie avec des follicules germinatifs à centre clair.

La scintigraphie à la sélénométhionine détecte les thymus ectopiques.

 

DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL:

Du point de vue clinique, la myasthénie doit être distinguée d'une simple fatigue musculaire, d'uneparalysie des nerfs crâniens et desmyopathies à forme oculaireprédominante. L'hyperthyroïdie, lamaladie d'Addison et l'hypercorticismepeuvent mimer la fatigabilité de la myasthénie.

L'intoxication botulinique réalise un bloc neuro-musculaire où les troubles paralytiques surviennent 12 à 48h après l'ingestion de conserves avariées. Les troubles digestifs précèdent la symptomatologie. La mydriase paralytique, la sécheresse de la bouche et les troubles sphinctériens la différencient de la myasthénie.

Le syndrome myasthénique d'Eaton et Lambert est un syndrome paranéoplasique accompagnant un cancer bronchique. Le déficit des membres inférieurs est souvent associé au déficit des membres supérieurs mais respecte constamment la face. Les réflexes ostéo-tendineux sont abolis. L'EMG fait le diagnostic différentiel.

 

PRONOSTIC:

Le pronostic est difficile à prédire mais il faut noter le rôle constamment aggravant d'unthymome. D'un autre côté, c'est la survenue de crises respiratoires qui fait le pronostic de l'affection.

La classification d'Ossermancatégorisent les myasthénies en 4 stades:

* Le stade I correspond aux myasthénies localisées surtout oculaires

* Le stade IIa aux myasthénies généralisées sans trouble de la déglutition

* Au stade IIb, les troubles de la déglutition existent, mais pas les fausses routes

* Au stade III, la myasthénie est généralisée, d'évolution rapide avecdysphagie, fausses routes et troubles respiratoires nécessitant la réanimation

* Le stade IV est le stade des myasthénies généralisées graves mais anciennes, souvent accompagnées d'une amyotrophie.

 

TRAITEMENT

1) Buts

Eviter ou supprimer les manifestations déficitaires motrices de la myasthénie.

2) Moyens

Lesanticholinestérasiques
La thymectomie
La corticothérapie, les immunosuppresseurs
Les échanges plasmatiques et les gamma-globulines

3) Indications

Les anticholinestérasiques constituent le traitement de base de la myasthénie. Ils prolongent l'action de l'acétylcholine par inhibition de l'acétylcholinestérase. 3 produits partagent cette indication: lanéostigmine (Prostigmine), la pyridostigmine (Mestinon) et le chlorure d'ambénonium (Mytélase). Les effets muscariniques inéluctables sont de plus en plus atténués selon l'ordre de présentation des produits.

Ils doivent être pris 1/2h avant les repas. La posologie quotidienne est obtenue progressivement en commençant par des doses faibles réparties dans la journée. Il est inutile d'associer les médicaments. En cas de dysphagie importante, il est utile de faire appel à la néostigmine injectable.

En cas d'effet muscarinique trop prononcé, les granulés d'Atropine ou les comprimés de Belladone sont parfois utiles mais exposent au risque de surdosage.

En cas de thymome, l'indication chirurgicale est formelle. Elle est complétée par une cobaltothérapie en cas d'envahissement.

En l'absence de thymome, elle n'est conseillée que chez les malades demoins de 40 ans et le plus près du début de la maladie: elle y trouve sa meilleure indication

Dans les autres cas, l'indication est discutée.

- Les résultats de la thymectomie apparaissent de 18 mois à 2 ans après le geste.

Les thérapeutiques immunosuppressives sont celles présentant le plus large éventail:

- la prednisone est donnée à la dose d'1mg/kg/j pendant un mois, puis lentement dégressive selon les résultats cliniques. Une aggravation transitoire peut justifier une hospitalisation.

- l'azathioprine (Imurel) est prescrite à la dose de 2 à 3mg/kg/j et ses résultats ne se voient pas avant quelques semaines. Sa toxicité impose un contrôle par numération formule plaquette et bilan hépatique.

Actuellement, la tendance est d'associer ces 2 médicaments en raison d'une action synergique permettant la réduction de la corticothérapie. Cette association est justifiée par une myasthénie thymectomisée ou non réagissant insuffisamment aux anticholinestérasiques.


- La ciclosporine (Sandimmun) s'est récemment révélée efficace. Elle est donnée à une posologie <6mg/kg/j per os en 2 ou 3prises. Sanéphrotoxicité et l'hypertension artérielle induite imposent une surveillance régulière. Son indication est celle des cas n'ayant pas réagi aux autres traitement immunosuppresseurs.

- Les échanges plasmatiques sont réservés aux poussées aiguës etpatients gravement atteints avant la thymectomie. L'amélioration estrapide mais transitoire. Une alternative est lagammaglobulinothérapie à fortes doses (0,4g/kg/j pendant 5j).

La crise respiratoire nécessite l'intubation et la ventilation mécanique, la corticothérapie et les échanges plasmatiques.

 

Stade I

traitement anticholinestérasique, surtout chez le sujet de plus de 50ans

Stade II

corticothérapie avant 45ans, immunosupresseurs après 50ans ou même leur association
- la thymectomie est envisagée avant la fin de la 1°année d'évolution

Stade IStade III

association corticoïdes/immunosupresseurs
échanges plasmatiques ou Igthérapie avant la chirurgie, et au long cours permettant dans certains cas de se passer de la ventilation mécanique

Stade IV

le traitement est uniquement symptomatique: trachéotomie, alimentation par sonde gastrique, et parfois ventilation assistée



4) Résultats

Les anticholinestérasiques sont inefficaces dans les formes sévères généralisées et dans les formes oculaires pures, imposant le recours à une autre thérapeutique. Chaque patient doit être averti que la posologie idéale, d'ailleurs difficile à obtenir, fluctue aussi en fonction de l'activité du sujet. A la longue apparaît une 'résistance' expliquée par des altérations muqueuses induites par le médicament lui-même.

La thymectomie est aussi inefficace dans la forme oculaire pure

La durée de l'immunosuppression est toujours longue. La diminution voire l'arrêt n'est décidé que sur des critères cliniques. L'efficacité d'une thérapeutique immunosuppressive est attestée par la réduction des valeurs des anticorps anti-récepteurs.

De nombreux médicaments sont proscrits dans la myasthénie: curares et curarisants/quinine et quinidine/procaïnamide, beta-bloquants, diphénylhydantoïne, streptomycine/neuroleptiques à forte dose et benzodiazépines.


5) Surveillance

Les accidents de surdosage en anticholinestérasique surviennent pour des posologies élevées ou chez un patient dont l'état s'améliore du fait d'autres traitement:

- Une insuffisance respiratoire aiguë peut être difficile à différencier d'une crise myasthénique. La conduite à tenir en un tel cas est de placer le patient sous respirateur si nécessaire et d'arrêter lesanticholinestérasiques.

- Les premiers signes de surdosage sont des coliques intestinales, une diarrhée, une sialorrhée, une hypersécrétion bronchique, des sueurs, des fasciculations et des crampes musculaires (effets muscariniques).

CONCLUSION

La myasthénie est une maladie rare suspectée devant des manifestations parétiques ou paralytiques de topographie particulière. Son diagnostic est simple mais son traitement plus difficile du fait d'une évolution imprévisible.

 




14/03/2011
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